Le blocage a été évité de justesse, mais le Conseil européen a finalement acté la fin théorique de la vente des véhicules à moteur thermique en 2035, dans le cadre du paquet législatif « Fit for 55 ». Ce mardi 28 mars, les chefs d'Etat et de gouvernement européens ont en effet adopté le règlement fixant les nouvelles normes de performance en matière d'émissions de CO2 pour les véhicules neufs. Entre 2030 et 2034, les voitures neuves devront émettre 55 % de CO2 en moins, par rapport au niveau de 2021. Les camionnettes, elles devront les réduire de 50 %. Mais à partir de 2035, toutes seront bien soumises au même impératif de neutralité carbone, écartant de fait les véhicules essence, diesel et hybrides.
Entre 2025 et 2029, afin de stimuler le marché, les constructeurs bénéficieront d'un allègement de leurs objectifs limites d‘émissions annuelles, s'ils vendent plus de véhicules à zéro et à faibles émissions. En revanche, entre 2030 et 2034, ils recevront moins de crédits d'émission, gagnés grâce à la mise en place d'éco-innovations. Aujourd'hui, celles-ci leur permettent d'abaisser cette moyenne de 7 grammes par kilomètres mais cet avantage sera réduit à 4 grammes.
Les e-carburants s'imposent
Afin de satisfaire l'Allemagne qui menaçait de remettre en cause le texte validé par les eurodéputés et le Conseil ( en octobre 2022, puis adopté par le parlement en première lecture en février dernier – une volte-face exceptionnelle –, le règlement n'écarte toutefois pas l'utilisation des e-fuels : ces carburants synthétiques considérés comme neutres dans la mesure où ils recyclent du CO2 soustrait à l'atmosphère en l'associant à l'hydrogène. Le règlement prévoit de confier à la Commission le soin de proposer, après consultation des parties prenantes, des modalités d'enregistrement des véhicules fonctionnant avec ces carburants après 2035.
Une exception tournée en dérision par le ministère français de la Transition énergétique qui considère ces e-carburants comme « extrêmement émergents, pour ne pas dire de science-fiction », mais saluée par la filière hydrogène qui y voit une source de développement. A l'opposé des écologistes et des associations environnementales qui jugent, eux, cette énergie coûteuse, énergivore et polluante. Les voitures roulant aux e-fuels pourraient émettre jusqu'à 160 000 tonnes de NOx supplémentaires dans l'Union européenne (UE) d'ici à 2050, estime l'ONG Transport&Environment. « Le coût exorbitant des carburants de synthèse aura plusieurs conséquences, ajoute-t-elle. D'abord, seuls les conducteurs aisés pourront se l'offrir. Ensuite, tous les autres conducteurs qui achèteront des moteurs à combustion certifiés comme fonctionnant aux e-fuels seront poussés à contourner les règles et à acheter de l'essence classique, moins chère, à la place ».
Une clause de revoyure maintenue
La mesure pourrait aussi raviver les velléités des laissés-pour-compte de la règlementation, comme la collective du bioéthanol. « Un carburant composé à 100 % d'e-fuel ne serait pas compatible avec les moteurs thermiques actuels, avancent ses représentants. En y associant 20 % d'éthanol, la compatibilité serait assurée ». Le ministère de la Transition énergétique s'inquiète en outre de cette réouverture d'un texte déjà agréé, « à un stade où il s'agit juste d'une adoption purement formelle ». Il faut faire attention de ne pas fragiliser le fonctionnement des institutions européennes, soulignent ses conseillers. « C'est un vrai sujet de préoccupation ».
L'accord reprend enfin la clause de revoyure qui programme, en 2026, l'évaluation des progrès accomplis et de l'éventuelle nécessité de revoir les objectifs pour 2035. Un réexamen censé tenir compte à la fois des évolutions technologiques constatée, notamment en ce qui concerne les technologies hybrides rechargeables, et de l'importance d'une transition socialement viable et équitable. Il maintient également la dérogation prévue pour les petits fabricants jusqu'à la fin de 2035. La Commission développera en parallèle une méthodologie commune à tous les pays de l'Union pour évaluer le cycle de vie complet des émissions de CO2 des voitures et des camionnettes mises sur le marché de l'UE, et celui de l'énergie consommée par ces véhicules. Ce vote représentait l'ultime étape de de la procédure décisionnelle. Le règlement sera publié au Journal officiel de l'UE et entrera en vigueur vingt jours plus tard.